texte parallèle
Bonjour la compagnie !
Dans la série exercices de style en duo, voici maintenant les textes paralèlles ! Vous comprendrez aisément le but du jeu en lisant les deux textes en question, mais comme dans l'immédiat vous n'aurez que le mien, je vous explique : il s'agissait simplement d'écrire un texte, chacun de son côté cette fois, en partant de la même phrase. Voilà la bête :
Tout le monde connaissait Jérémy, mais personne ne pouvait prétendre vraiment savoir qui il était. De son passé, on ne savait rien, de son présent, bien peu de choses. On pouvait souvent le voir, lorsque le vent salé de la mer s'engouffrait dans les rues de la vieille ville et allait s'essoufler sur le parvis de l'église, errer par le pays, comme un duvet qu'un invisible courant promène. Je me souviens que grand père disait toujours en le voyant "Voilà Jérémy qui nous apporte la pluie!"
Et bien souvent c'était vrai.
Il semblait un vieil homme de loin, avec ses houleux cheveux gris et sa démarche chaloupée de marin à terre. Mais qui l'approchait plus ne savait dire s'il se trouvait en face d'un ancêtre ridé ou d'un jeune garçon. Mes aïeux disaient que le vent faisait frémir les plis de sa peau, comme des vaguelettes à la surface d'une eau calme.
Mais ce qu'il y avait de plus frappant chez Jérémy, c'était ses yeux ; parfois gris de plomb, parfois d'un bleu presque irréel, on aurait pourtant eu du mal à définir leur véritable couleur. Quand ces yeux-là vous regardaient, vous aviez l'impression d'une force infinie, de quelque chose d'autre, indicible et d'une beauté sans équivoque, tout l'exploit de l'existence contenue dans deux prunelles.
Jérémy parlait d'une voix profonde et vibrante qui faisait penser au son d'une corne de brume ; et il avait l'avantage de ceux qui parlent peu mais avec assurance, qui est que tout le monde les écoute.
Qui avait su en premier son prénom ? Je ne sais pas, et je doute même que quelqu'un le sache encore. Quel métier exercait-il ? Avait-il une famille ? Etait-il marié ? A chacune de ces questions répondaient bien des rumeurs, mais la vérité, personne ne la connaissait. Il était simplement Jérémy, cela suffisait.
Et puis un beau jour, Jérémy a disparu. On raconte beaucoup de choses sur sa disparition, certains parlent de suicide, de meurtre, mais personne n'y croit vraiment. En fait, la plupart des gens pensent qu'il reviendra, tout simplement parce qu'il avait toujours été là.
Moi, je sais ce qu'il est devenu. Je l'ai vu partir. C'était au petit matin, sur la plage brune d'algues ; la tempête avait fait rage toute la nuit, et je n'aime rien tant que ramasser les trésors remontés que la mer en colère jette sur la grève, comme un enfant gâté. Le ciel encore lourd de grisaille commençait à claircir, les vagues fatiguées roulaient mollement sur leur dos, chevauchées de quelques écumes blanches qui sautaient sur le sable. Une brume allait s'épaississant, poussée vers la terre par un souffle de vent. On entendait que le chuchotement proche et lointain de l'océan revêche. Je marchais entre les rochers incrustés de bernacles, sentant crisser le sable sous mes pas, et c'est en levant la tête un instant que je l'ai aperçu, reconnaissable entre tous. Il se déplaçait lentement, oscillant un peu comme un homme las. Il tirait derrière lui une barque de bois presque aussi terne que les roches, presque aussi sombre que les algues. Il est arrivé au bord de l'eau, a poussé le bateau devant lui, s'est enfonçé dans les vagues jusqu'à mi cuisses, puis a enjambé le rebord bombé et s'est mis à ramer vers le large, peu à peu effacé du paysage par le brouillard plus dense. Un instant, j'ai cru le voir se retourner vers moi, mais peut être n'est-ce qu'un effet de mon imagination.
C'est ainsi que s'en est allé Jérémy, l'homme de l'océan ; depuis, il me semble que les jours venteux ne sont plus aussi vivants, ni les tempêtes aussi belles et majestueuses qu'autrefois.
Dans la série exercices de style en duo, voici maintenant les textes paralèlles ! Vous comprendrez aisément le but du jeu en lisant les deux textes en question, mais comme dans l'immédiat vous n'aurez que le mien, je vous explique : il s'agissait simplement d'écrire un texte, chacun de son côté cette fois, en partant de la même phrase. Voilà la bête :
Tout le monde connaissait Jérémy, mais personne ne pouvait prétendre vraiment savoir qui il était. De son passé, on ne savait rien, de son présent, bien peu de choses. On pouvait souvent le voir, lorsque le vent salé de la mer s'engouffrait dans les rues de la vieille ville et allait s'essoufler sur le parvis de l'église, errer par le pays, comme un duvet qu'un invisible courant promène. Je me souviens que grand père disait toujours en le voyant "Voilà Jérémy qui nous apporte la pluie!"
Et bien souvent c'était vrai.
Il semblait un vieil homme de loin, avec ses houleux cheveux gris et sa démarche chaloupée de marin à terre. Mais qui l'approchait plus ne savait dire s'il se trouvait en face d'un ancêtre ridé ou d'un jeune garçon. Mes aïeux disaient que le vent faisait frémir les plis de sa peau, comme des vaguelettes à la surface d'une eau calme.
Mais ce qu'il y avait de plus frappant chez Jérémy, c'était ses yeux ; parfois gris de plomb, parfois d'un bleu presque irréel, on aurait pourtant eu du mal à définir leur véritable couleur. Quand ces yeux-là vous regardaient, vous aviez l'impression d'une force infinie, de quelque chose d'autre, indicible et d'une beauté sans équivoque, tout l'exploit de l'existence contenue dans deux prunelles.
Jérémy parlait d'une voix profonde et vibrante qui faisait penser au son d'une corne de brume ; et il avait l'avantage de ceux qui parlent peu mais avec assurance, qui est que tout le monde les écoute.
Qui avait su en premier son prénom ? Je ne sais pas, et je doute même que quelqu'un le sache encore. Quel métier exercait-il ? Avait-il une famille ? Etait-il marié ? A chacune de ces questions répondaient bien des rumeurs, mais la vérité, personne ne la connaissait. Il était simplement Jérémy, cela suffisait.
Et puis un beau jour, Jérémy a disparu. On raconte beaucoup de choses sur sa disparition, certains parlent de suicide, de meurtre, mais personne n'y croit vraiment. En fait, la plupart des gens pensent qu'il reviendra, tout simplement parce qu'il avait toujours été là.
Moi, je sais ce qu'il est devenu. Je l'ai vu partir. C'était au petit matin, sur la plage brune d'algues ; la tempête avait fait rage toute la nuit, et je n'aime rien tant que ramasser les trésors remontés que la mer en colère jette sur la grève, comme un enfant gâté. Le ciel encore lourd de grisaille commençait à claircir, les vagues fatiguées roulaient mollement sur leur dos, chevauchées de quelques écumes blanches qui sautaient sur le sable. Une brume allait s'épaississant, poussée vers la terre par un souffle de vent. On entendait que le chuchotement proche et lointain de l'océan revêche. Je marchais entre les rochers incrustés de bernacles, sentant crisser le sable sous mes pas, et c'est en levant la tête un instant que je l'ai aperçu, reconnaissable entre tous. Il se déplaçait lentement, oscillant un peu comme un homme las. Il tirait derrière lui une barque de bois presque aussi terne que les roches, presque aussi sombre que les algues. Il est arrivé au bord de l'eau, a poussé le bateau devant lui, s'est enfonçé dans les vagues jusqu'à mi cuisses, puis a enjambé le rebord bombé et s'est mis à ramer vers le large, peu à peu effacé du paysage par le brouillard plus dense. Un instant, j'ai cru le voir se retourner vers moi, mais peut être n'est-ce qu'un effet de mon imagination.
C'est ainsi que s'en est allé Jérémy, l'homme de l'océan ; depuis, il me semble que les jours venteux ne sont plus aussi vivants, ni les tempêtes aussi belles et majestueuses qu'autrefois.